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the wisdom of social democrats or the networked election

Ségolène Royal ne fait rien comme tout le monde. Ségolène Royal déroute, car elle donne l'impression d'improviser. Malgré ses zigzags, elle s'en tient pourtant à son intuition première. Elle a compris que la politique avait changé de nature. Que les électeurs ne croient plus aux grandes constructions idéologiques - c'est l'individualisme qui les guide - et que la révolution numérique renforçait cet individualisme en démultipliant ses moyens d'expression. Voilà pourquoi la candidate socialiste s'adresse autant à l'individu qu'au citoyen. Pourquoi sa stratégie de communication emprunte si souvent à la grammaire d'Internet, au peer to peer, au wiki et à l'hypertexte. Voilà en quoi elle est hypermoderne.

Tocqueville, que Ségolène Royal a sûrement lu, est le premier à avoir perçu que la démocratie favorisait l'individualisme. Dans De la démocratie en Amérique (1835), il écrit : "L'aristocratie avait fait de tous les citoyens une longue chaîne qui remontait du paysan au roi ; la démocratie brise la chaîne et met chaque anneau à part." Que devient le citoyen dans une société où chaque "anneau" est à part ? Comment conjuguer cet individualisme avec les exigences du vivre-ensemble ? Ces questions interpellent les intellectuels depuis Tocqueville.

Les réponses de Gilles Lipovetsky, Pierre Rosanvallon ou Bernard Manin, pour s'en tenir à aujourd'hui, varient. Mais leurs problématiques convergent. Elles soulignent un phénomène dont Ségolène Royal a parfaitement compris les implications : la démocratie représentative est en crise. Elle pâtit d'un narcissisme généralisé qui dévalue les enjeux collectifs, les solidarités de classe, et favorise la "psychologisation" de la vie politique.

La démocratie représentative, dit la vox populi, ce n'est pas la démocratie. C'est la délégation à une oligarchie du pouvoir de légiférer pour tous. Cette délégation de pouvoir, l'individu moderne la vit comme une dépossession. Il aspire à décider pour lui-même, par lui-même. Et il a été trop souvent trompé. Lorsqu'elle défend l'idée de jurys citoyens - auxquels les élus auraient à rendre des comptes entre deux scrutins -, Ségolène Royal heurte les princes qui nous gouvernent, mais elle flatte les attentes du tiers état.

Sa campagne ne serait pas la même sans Internet. Tous les candidats tentent de se servir du Web. Mais là où ses concurrents utilisent la Toile comme une caisse de résonance, comme un simple outil de communication, Ségolène Royal s'est approprié sa syntaxe. Elle a compris que le peer to peer, le wiki et l'hypertexte avaient transformé nos schémas mentaux, nos pratiques cognitives, et donc modifié les rapports que les citoyens entretiennent avec la politique.

Le "pair à pair", ou échange entre égaux sur le modèle des fichiers musicaux piratés, a habitué les internautes à communiquer directement entre eux. Il a bouleversé les hiérarchies existantes en désacralisant les sachants et les puissants : intellectuels, journalistes, enseignants, dirigeants, élus... Lorsque tout un chacun, dans le cyberespace, peut donner son avis, interpeller un candidat ou commenter l'actualité, la démocratie change de paradigme.

Se faire entendre, être écouté. Le citoyen et l'internaute - souvent ils ne font qu'un - exigent d'avoir voix au chapitre. Ils ne veulent plus que la parole tombe de haut. Ils veulent exister. Les "débats participatifs" auxquels Ségolène Royal affirmait, au début de sa campagne, accorder tant d'importance n'avaient d'autre raison d'être que d'épancher cette soif d'expression.

Depuis, la candidate socialiste mène sa barque avec un art consommé de l'humilité. Toujours à l'écoute, en retrait s'il le faut. Un jour on l'interroge sur l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. Mon avis, répond-elle, sera celui des Français. Que n'avait-elle pas dit ! Comment fuir à ce point ses responsabilités ?, s'indignent ses adversaires, alors que sa réponse était très calculée.

Son programme, la candidate socialiste l'a conçu, avec la même modestie, sur le modèle du wiki, un outil qui permet à tout un chacun d'enrichir des contenus en ligne, l'encyclopédie Wikipedia, par exemple. A peine Ségolène Royal avait-elle lancé le mouvement que desirsdavenir.org, son site, ressemblait à un capharnaüm. A un fatras très caractéristique du Net. Qu'en a-t-elle tiré exactement ? Sans doute ne le saura-t-on jamais. Le message, au moins, était clair : la candidate socialiste n'écoute pas que les experts.

Mieux que tout autre, elle a compris que l'individu moderne était raccordé à la société sur le mode de l'hypertexte. L'hypertexte est cette fonction qui, lorsque l'on clique sur l'écran, permet de naviguer d'un site à l'autre grâce aux liens qui les relient entre eux. Cette métaphore signifie que l'individu contemporain ne se reconnaît plus dans un groupe social donné, aux contours prédéterminés. Mais qu'il appartient à des réseaux multiples - famille, travail, loisirs, associations... - entre lesquels il commute comme l'on navigue sur la Toile. En n'y investissant qu'une part de lui-même, selon des logiques souvent déconcertantes, comme le montre François Ascher dans La société évolue, la politique aussi (Odile Jacob, 2007, 308 p., 27 €).

L'individu moderne peut être partisan de l'autorité et du mariage des homosexuels. Partisan de la mondialisation, grâce à laquelle il s'habille à bon marché, mais de l'interventionnisme de l'Etat lorsqu'une entreprise textile délocalise. Contre les 35 heures comme entrepreneur, mais pour davantage de loisirs comme père de famille. Favorable à la carte scolaire comme citoyen, mais partisan de plus de souplesse comme parent d'élève.

Les propos successifs et parfois antinomiques de Ségolène Royal sur ces sujets et sur d'autres reflètent les contradictions qu'engendre cette multi-appartenance. Ils passent pour brouillons, alors qu'ils résultent, au-delà de ses maladresses, d'une réflexion très actuelle sur le maillage paradoxal de la société.

En quelques années, cette présidentielle permet de le mesurer, les attentes des Français se sont complexifiées. La campagne qu'elle mène en 2007, Ségolène Royal ne l'aurait pas menée en 2002. Prématuré. Sa victoire n'est pas assurée pour autant. Son aptitude à capitaliser l'individualisme de ses concitoyens, conjuguée à son intelligence des ressorts d'Internet, est un atout, bien sûr. Mais une majorité de l'électorat continue, et continuera longtemps encore, à se déterminer selon des critères traditionnels.

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